Interview de Daniel Lopuszanski #302
Daniel Lopuszanski est un pêcheur français spécialisé dans la pêche au gros. Aussi bien en France qu’à l’étranger. Il détient ainsi de nombreux records personnels de poisson de plus de 1000 lbs dont plusieurs marlins bleus, des thons rouges canadiens géants, et même un marlin noir de plus de… 1300 lbs !
Dernière mise à jour le 19 mars 2019
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Portrait de Daniel Lopuszanski
Ainsi fait-il partie du cercle ultra fermé des détenteurs de records de plus de 1000 lb.
Notez que l’IGFA est l’organisme le plus reconnu au niveau mondial concernant l’homologation des records de prises de poissons. Daniel Lopuszanski a également battu à trois reprises son propre record du monde tarpon. Le dernier fut un tarpon de 231 lb (105 kg) en…16 lb à peine ! Un record qui aura du mal à être battu et que bon nombre de pêcheurs américains envient.
Il est également un grand compétiteur et a été champion du monde en catégorie 50 lb en 1995 à Saint Martin. Il a remporté à deux reprises le prestigieux concours de pêche du thon rouge au broumé « Master de l’Escala » en 2003 et 2005. Il a gagné la coupe d’Europe de pêche au broumé catégorie 130 lb à Castellon de la plana en 2003. Il a été aussi champion de France catégorie 80 lb en 1994 et 1998 et catégorie 130 lb en 1990. Il a également remporté plusieurs coupes de France dont une en catégorie 80 lb en 1993 et trois en catégorie 130 lb en 1988, 1992 et 1996. Sans compter les innombrables places de podiums remportés aussi bien en compétition nationale qu'internationale durant ses dernières décennies. Un palmarès véritablement impressionnant !
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Son rôle dans la campagne de poses de balises sur les thons rouges
Top Fishing : Bonjour monsieur Lopuszanski, expliquez-nous en quoi consiste votre rôle dans la campagne de poses de balises sur les thons rouges en France ?
Daniel Lopuszanski : Bonjour. Pratiquant beaucoup la pêche au broumé des thons rouges au large du grand Rhône, j’ai été contacté par le directeur d’Ifremer Mr Jean-Marc Fromentin pour poser des balises sur les thons que je prenais. Je l’ai ainsi fait de 2007 à 2016. Au début, Ifremer en collaboration avec la FFPM (Fédération Française de Pêche en Mer) ont mené une campagne de marquage conventionnelle avec des marques surnommées « spaghettis ».
Nous tenions un journal de bord où nous notions à coté du numéro de cette marque le poids estimé du thon, la date ainsi que le lieu de la prise. Ces informations étaient remises à Ifremer. Mais sur des centaines de marques posées en 2007 et 2008, aucune recapture n’a malheureusement été enregistrée.
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Les balises satellite pour le suivi des thons rouges
T.F. : Vous posez également des balises satellite pour le suivi des thons rouges ?
D.L. : Certaines années, j’ai posé avec mon équipage entre 80 et 90 % des balises satellitaires posées en France. Ainsi, en 2011, j’en ai posé 8. La difficulté cette année là fut que nous cherchions des poissons de plus de 100 kg qui sont plus adaptés à la pose de ce type de balises.
Ces dernières étaient en effet trop grosses pour des poissons plus petits. Au cours des années, j’en ai posé 76 en tout.
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Coût des balises
T.F. : Il semble que ces balises coûtent cher, n’est-ce pas ?
D.L. : Les balises MK 10 Wildlife Computers avec programmation Wordwide Computer sont particulièrement sophistiquées – ce qui justifie leur coût très élevé (5000 $ et plus). Ainsi, elles permettent de savoir jusqu’à quelle profondeur le thon marqué a nagé, sa localisation exacte grâce à un programme extrêmement complexe lié à la lumière du jour, etc.
En effet, le poisson étant sous l’eau, la localisation par un satellite n’est pas possible. Elles sont également conçues pour se larguer dans un délai préétabli allant de 3 mois à un an.
Une fois libérée, elles envoient les informations recueillies directement au satellite. Malheureusement, il est très fréquent qu’elles se détachent du poisson avant le délai imparti, ce qui ne permet pas d’avoir toutes les données scientifiques que l’on souhaiterait. Depuis, j’ai d’ailleurs effectué quelques modifications du système d’attache. Actuellement, Ifremer essaie de faire ses propres balises satellites pour diminuer les coûts mais c’est toujours en cours.
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Quelques exemples de migration de thons rouges
T.F. : Avez-vous quelques exemples de migration de thons rouges pour nos lecteurs ?
D.L. : Voici 3 copies écran de la migration de quelques thons que j’ai marqués qui m’ont été envoyées par l’Ifremer.
- Itinéraire 1
Voici l’itinéraire d’un thon de 93 kg pris à Marseille le 5 septembre 2013. La balise était programmée pour se détacher au bout d’un an mais elle est remontée prématurément au bout de 208 jours le 4 avril 2014.
Elle s’est soit détachée, soit le thon a été capturé par des pêcheurs commerciaux (ce qui semble le plus probable).
- Itinéraire 2
Encore le parcours incroyable d'un autre thon rouge de 96 kg pendant 1 an du 7/09/2013 au 02/09/2014. La balise satellite s'est détachée pratiquement au même endroit où il a été marqué auparavant — presque 1 an jour pour jour près de Marseille. On peut observer ici que ce thon reste pendant toute cette période en Méditerranée occidentale.
Il a passé beaucoup de temps au sud d’Ibiza qui est une zone de fraye bien connue. Il est également allé jusqu’en Algérie où il a passé tout l’hiver jusqu’au mois de mai avant de remonter tout le bassin Méditerranéen pour revenir sur Marseille.
- Itinéraire 3
Ceci est le parcours d’un thon rouge de 80 kg dont on a suivi l’itinéraire durant une année entière. Les balises se détachant presque toutes prématurément, c’est vraiment rare de pouvoir suivre aussi longtemps ce type de parcours.
Ces nouvelles balises ont bien fonctionné et ont permis de glaner des informations scientifiques très précieuses. Cette balise qui était la cinquantième de notre campagne de marquage, a été posée dans les Bouches-du-Rhône sur notre bateau le 15 aout 2013.
On voit que le poisson est allé jusqu’en Lybie en passant par la Sardaigne, la Tunisie, l’Algérie pour revenir 1 an après presque jour pour jour le 11 août 2014 exactement au même endroit où il a été marqué. En une année, ce poisson a parcouru plus de 3000 miles nautiques (soit plus de 5556 km) – ce qui est considérable ! On comprend mieux pourquoi ces pélagiques sont nommés « Highly migratory fish ».
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Une avancée scientifique ?
T.F. : En quoi ces informations sont utiles pour les scientifiques ?
D.L. : Avec une meilleure connaissance du thon rouge méditerranéen et de ses migrations, il devient possible de le protéger plus efficacement au niveau européen. Toutes ces connaissances sont analysées par les scientifiques dans toute l’Europe et les données recueillies servent à l’élaboration des quotas de pêche professionnelle et de pêche sportive au niveau européen. J’ai remarqué que la politique de quotas sur les thons donne des résultats.
Ainsi, j’ai vu que les classes de poids des thons rouges ont tendance à augmenter année après année, ce qui est encourageant. Néanmoins, on ne pêche plus que rarement les gros spécimens, – ce qui doit être lié à la pêche commerciale sur frayère. Ca progresse néanmoins et je pense que nous devons continuer dans cette voie.
Toute l’équipe de Top Fishing vous remercie pour tous ces précieux renseignements M. Lopuszanski.
Dossier : Le thon rouge
- 1/8 Interview de Daniel Lopuszanski
- 2/8 Pêche loisir du thon rouge
- 3/8 Comment pêcher le thon rouge ?
- 4/8 Comment pêcher le thon à la traîne rapide ?
- 5/8 Comment pêcher le thon dans les chasses ?
- 6/8 Comment pêcher le thon au broumé ?
- 7/8 Réglementation pour la pêche du thon en 2019
- 8/8 Sélection de leurres pour la pêche de Thon sur chasse